Geldwäscherei: Bundesgerichtsurteil 1A.71/2005

1A.71/2005 /col

Arrêt du 11 mai 2005
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Aemisegger et Reeb.
Greffier: M. Zimmermann.

A. ________,
B.________,
C.________,
D.________,
recourants,
tous représentés par Maîtres Armin Zucker et Erich Herzog, avocats,
contre

Ministère public de la Confédération,
Antenne Lausanne, avenue des Bergières 42,
case postale 334, 1000 Lausanne 22.

entraide judiciaire internationale en matière pénale à la Fédération de
Russie – langue de la procédure,

recours de droit administratif contre la décision du Ministère public de la
Confédération du 16 février 2005.

Faits:

A.
Le 5 mars 2004, le Parquet général de la Fédération de Russie a présenté au
Ministère public de la Confédération (ci-après: le Ministère public) une
demande d’entraide pour les besoins de l’enquête ouverte contre les
dirigeants de A.________, des chefs d’escroquerie et de restriction à la
concurrence au sens des art. 159 et 178 du Code pénal russe. Selon l’exposé
des faits joint à la demande, la filiale suisse de A.________, du même nom,
ainsi que les sociétés B.________ et A.________, auraient conclu un contrat
de transport avec la société russe E.________. Il avait été convenu que les
frais d’acheminement par le rail seraient pris en charge par A.________. Sur
la base de documents falsifiés, A.________ aurait échappé au paiement des
taxes de fret dues au Ministère russe des transports, pour un montant total
de 8’437’064,93 USD. A.________ aurait cédé sa créance contre E.________ à la
société F.________ qu’elle dominait. E.________ aurait ensuite remis des
immeubles à F.________ d’une valeur de 2’203’667,25 USD. F.________ aurait
transféré sa créance à la société G.________. Ces procédés étaient destinés à
blanchir une partie du produit des détournements effectués au détriment du
Ministère des transports. La demande tendait à la remise de documents et à
l’audition d’employés des sociétés impliquées.
Le 4 mai 2004, l’Office fédéral a délégué l’exécution de la demande au
Ministère public, soit au Procureur Patrick Lamon à Lausanne. Le 28 mai 2004,
celui-ci a rendu une décision d’entrée en matière.
Le 11 octobre 2004, le Parquet général de la Fédération de Russie a complété
la demande, en formulant de nouvelles requêtes.
En exécution de la demande, le Ministère public a fait saisir un grand nombre
de documents auprès de A.________ et de la société B.________, ainsi que dans
les locaux professionnels de H.________,  D.________ et I.________. Ceux-ci,
ainsi que J.________, ont été entendus. Les procès-verbaux de ces auditions
ont fait l’objet d’une remise simplifiée aux autorités russes, selon l’art.
80c de la loi fédérale sur l’entraide internationale en matière pénale, du 20
mars 1981 (EIMP; RS 351.1).
Le 8 décembre 2004, le Ministère public a procédé au tri des pièces à
transmettre, en présence de H.________. Le 6 janvier 2005, celui-ci s’est
opposé à la remise de certains documents.
Le 16 février 2005, le Ministère public a rendu une ordonnance de clôture
portant sur la transmission de quarante-sept documents, selon une liste
annexée.

B.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, A.________,
B.________, H.________ et D.________ demandent au Tribunal fédéral d’ordonner
au Ministère public de faire traduire en allemand la décision attaquée et
d’annuler celle-ci, partant de ne pas autoriser la transmission des pièces
visées et d’un procès-verbal d’audition. Les recourants demandent que la
procédure soit conduite en allemand (y compris pour ce qui concerne la
réponse du Ministère public) et l’arrêt rendu dans cette langue. Ils
invoquent l’art. 2 EIMP, la règle de la double incrimination, leur droit
d’être entendus et le principe de la proportionnalité.
Le Ministère public et l’Office fédéral proposent de déclarer le recours
irrecevable, subsidiairement de le rejeter, dans la mesure de sa
recevabilité.

C.
Le 2 mai 2005, les recourants ont répliqué spontanément.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Les recourants ont répliqué sans y avoir été invités préalablement, ce qu’ils
ne sont pas autorisés à faire. Partant irrecevable, l’écriture du 2 mai 2005
est écartée du dossier.

2.
La Confédération suisse et la Fédération de Russie sont toutes deux parties à
la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale (CEEJ; RS
0.351.1), conclue à Strasbourg le 20 avril 1959 et entrée en vigueur le 20
mars 1967 pour la Suisse et le 9 mars 2000 pour la Russie. Peut également
trouver à s’appliquer la Convention relative au blanchiment, au dépistage, à
la saisie et à la confiscation des produits du crime (CBl; RS 0.311.53),
conclue à Strasbourg le 8 novembre 1990 et entrée en vigueur pour la Suisse
le 11 septembre 1993 et le 1er décembre 2001 pour la Russie. Les dispositions
de ces traités l’emportent sur le droit autonome qui régit la matière, soit
l’EIMP et son ordonnance d’exécution (OEIMP; RS 351.11). Celles-ci restent
toutefois applicables aux questions non réglées, explicitement ou
implicitement, par les traités, et lorsque le droit interne est plus
favorable que ceux-ci à l’entraide (ATF 123 II 134 consid. 1a p. 136; 122 II
140 consid. 2 p. 142; 120 Ib 120 consid. 1a p. 122/123, 189 consid. 2a p.
191/192, et les arrêts cités).

3.
Le Tribunal fédéral examine d’office et avec une pleine cognition la
recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 130 I 312 consid. 1 p. 317;
130 II 249 consid. 2 p. 250, 302 consid. 3 p. 303/304, et les arrêts cités).

3.1 La voie du recours de droit administratif est ouverte contre la décision
confirmant la transmission de documents à l’Etat requérant, selon ce que
prévoit la décision de clôture de la procédure (cf. art. 25 al. 1 EIMP). En
revanche, il n’est pas possible d’entreprendre simultanément avec celle-ci la
remise simplifiée au sens de l’art. 80c EIMP, qui est définitive. La
conclusion subsidiaire tendant à ce que ne soit pas transmise une partie du
procès-verbal de l’audition de  H.________ le 22 octobre 2004, dans la mesure
où il a consenti à cette remise, est ainsi irrecevable.

3.2 A.________ et B.________ ont qualité pour agir, au sens de l’art. 80h
let. b EIMP, mis en relation avec l’art. 9a let. b OEIMP, contre la
transmission de la documentation saisie dans leurs locaux et qui se rapporte
à leur activité (cf. ATF 130 II 162 consid. 1.1 p. 164; 127 II 198 consid 2d
p. 205; 126 II 258 consid. 2d/aa p. 260, et les arrêts cités).
Comme personnes morales, A.________ et B.________ ne sont pas recevables à
invoquer l’art. 2 EIMP (ATF 130 II 217 consid. 8.2 p. 228; 126 II 258 consid.
2d/aa p. 260; 125 II 356 consid. 3b/bb p. 362). Il en va de même de
H.________ et D.________, qui résident en Suisse et ne sont pas accusés dans
la procédure pénale en Russie (ATF 130 II 217 consid. 8.2 p. 228; 129 II 268
consid. 6.1 p. 271, et les arrêts cités).

3.3 Les conclusions qui vont au-delà de l’annulation de la décision sont
recevables (art. 25 al. 6 EIMP; art. 114 OJ; ATF 122 II 373 consid. 1c p.
375; 118 Ib 269 consid. 2e p. 275; 117 Ib 51 consid. 1b p. 56, et les arrêts
cités). Le Tribunal fédéral examine librement si les conditions pour accorder
l’entraide sont remplies et dans quelle mesure la coopération internationale
doit être prêtée (ATF 123 II 134 consid. 1d p. 136/137; 118 Ib 269 consid. 2e
p. 275). Il statue avec une cognition libre sur les griefs soulevés sans être
toutefois tenu, comme le serait une autorité de surveillance, de vérifier
d’office la conformité de la décision attaquée à l’ensemble des dispositions
applicables en la matière (ATF 123 II 134 consid. 1d p. 136/137; 119 Ib 56
consid. 1d p. 59).

4.
Les recourants reprochent au Ministère public d’avoir conduit la procédure en
français, plutôt qu’en allemand; ils requièrent que l’arrêt soit rendu dans
cette langue.

4.1 L’Office fédéral a délégué l’exécution de la demande au Ministère public
(art. 79 al. 1 EIMP). Comme autorité fédérale, celle-ci rend ses décisions
dans la langue en laquelle les parties ont pris ou prendraient leurs
conclusions, selon l’art. 37 PA, applicable par analogie (art. 12 al. 1
EIMP). A première vue, les recourants étaient ainsi en droit de s’attendre à
ce que la décision de clôture et les décisions incidentes antérieures soient
rendues en allemand, langue dans laquelle ils ont procédé. La jurisprudence
admet toutefois que l’autorité fédérale qui conduit une procédure d’envergure
nationale puisse statuer dans une langue qui ne soit pas celle du
destinataire de la décision, lorsque des motifs d’organisation l’y
contraignent (consid. 1a non publié de l’ATF 126 II 258).
Les activités de la société A.________ ont donné lieu à plusieurs demandes
d’entraide judiciaire, provenant d’Italie et de France. L’exécution en a été
déléguée au canton de Genève, désigné comme canton directeur. Le Juge
d’instruction du canton de Genève a conduit la procédure en français, ce dont
A.________ et D.________, représentés par un mandataire de langue française,
ne se sont pas plaints à l’époque. La demande italienne a fait l’objet d’une
décision de clôture et d’un recours de droit administratif, en français (cf.
l’arrêt du 4 août 2004, rendu dans la cause 1A.159/2004). En avril 2003, la
Fédération de Russie a présenté une demande d’entraide pour les besoins de la
procédure pénale ouverte contre X.________, ancien Ministre russe des
transports, soupçonné d’avoir touché des pots-de-vin de A.________.
L’exécution en a été confiée au Procureur Lamon, parce que celui-ci était
déjà chargé d’une procédure pénale nationale connexe. Les exigences liées à
l’économie et à la célérité de la procédure (art. 17a al. 1 EIMP)
justifiaient ainsi que l’exécution de la demande qui fait l’objet de la
présente procédure soit déléguée au Procureur Lamon, et cela quand bien même
des considérations de proximité géographique et linguistique auraient tout
aussi bien pu amener l’Office fédéral à confier l’affaire à un Procureur
germanophone de siège à Berne (cf. dans ce sens l’arrêt 1A.139/2004 du 22
juin 2004).
Les recourants se prévalent de l’arrêt 1S.6/2004 du 11 janvier 2005. Dans
cette affaire concernant une procédure conduite en italien à l’égard d’une
personne germanophone, le Tribunal fédéral a jugé qu’au regard de l’ensemble
des circonstances, celle-ci disposait du droit d’être entendue dans sa langue
(consid. 2). Cet arrêt a cependant été rendu en application de la PPF, et non
de la PA et de l’EIMP. En l’espèce, les recourants sont de surcroît assistés
par un avocat patenté, lequel est censé connaître les langues nationales de
la Confédération (consid. 1 non publié de l’ATF 126 II 258; arrêts 1A.235/
2003 du 8 janvier 2004, consid. 1, et 1A.87/2004 du 3 juin 2004, consid. 1).
Il convient en outre de tenir compte du fait que les recourants ont disposé
d’un délai de trente jours pour recourir contre la décision de clôture de la
procédure, ce qui leur laissait tout le temps nécessaire pour clarifier leur
compréhension de tel ou tel point du dossier de la procédure.
Les recourants font valoir les difficultés rencontrées lors des auditions de
H.________ et de D.________, les 22 et 25 octobre 2004. Ils prétendent que
des erreurs, voire des confusions, auraient altéré le sens des questions et
des réponses, notamment en raison de la mauvaise qualité des services de
l’interprète. Il n’en demeure pas moins que les témoins, assistés de leur
mandataire, ont eu l’occasion de relire le procès-verbal et ont donné séance
tenante leur accord à une transmission simplifiée de ces documents, au sens
de l’art. 80c EIMP. Ils n’auraient certainement pas agi de la sorte si la
relation de leurs déclarations avait été tronquée, ce qu’ils ne prétendent
pas au demeurant.

4.2 Comme il n’y a rien à redire au fait que la procédure d’exécution de la
demande a été conduite en français et la décision attaquée rendue dans cette
langue, le présent arrêt est également rédigé en français (art. 37 al. 3 OJ).
Les conclusions préliminaires des recourants doivent ainsi être rejetées.

5.
De l’avis des recourants, la condition de la double incrimination ne serait
pas remplie.

5.1 Selon l’art. 5 al. 1 let. a CEEJ, applicable en vertu de la réserve émise
par la Suisse, l’exécution d’une commission rogatoire aux fins de
perquisition ou de saisie d’objets est subordonnée à la condition que
l’infraction poursuivie dans l’Etat requérant soit punissable selon la loi de
cet Etat et de la Partie requise. L’examen de la punissabilité selon le droit
suisse comprend, par analogie avec l’art. 35 al. 2 EIMP applicable en matière
d’extradition, les éléments constitutifs objectifs et subjectifs de
l’infraction, à l’exclusion des conditions particulières du droit suisse en
matière de culpabilité et de répression (ATF 124 II 184 consid. 4b p.
186-188; 122 II 422 consid. 2a p. 424; 118 Ib 448 consid. 3a p. 451, et les
arrêts cités). Il n’est ainsi pas nécessaire que les faits incriminés
revêtent, dans les deux législations concernées, la même qualification
juridique, qu’ils soient soumis aux mêmes conditions de punissabilité ou
passibles de peines équivalentes; il suffit qu’ils soient réprimés dans les
deux Etats comme des délits donnant lieu ordinairement à la coopération
internationale (ATF 124 II 184 consid. 4b/cc p. 188; 117 Ib 337 consid. 4a p.
342; 112 Ib 225 consid. 3c p. 230 et les arrêts cités). L’autorité suisse
saisie d’une requête d’entraide en matière pénale n’a pas à se prononcer sur
la réalité des faits évoqués dans la demande; elle ne peut que déterminer si,
tels qu’ils sont présentés, ils constituent une infraction. Cette autorité ne
peut s’écarter des faits décrits par l’Etat requérant qu’en cas d’erreurs,
lacunes ou contradictions évidentes et immédiatement établies (ATF 126 II 495
consid. 5e/aa p. 501; 118 Ib 111 consid. 5b p. 121/122; 117 Ib 64 consid. 5c
p. 88, et les arrêts cités).

5.2 La demande a été présentée pour la répression des chefs d’escroquerie et
de restriction à la concurrence au sens des art. 159 et 178 du Code pénal
russe. Diverses sociétés du groupe A.________ auraient conclu un contrat de
transport avec la société russe E.________ et se seraient engagées à payer
les frais d’acheminement. L’enquête avait permis de déterminer que le montant
dû au Ministère des transports s’élevait à 8’437’064,93 USD. Sur la base de
documents falsifiés, A.________ aurait échappé au paiement. La demande
indique en outre que A.________ aurait cherché à recycler le produit des
délits commis sous le couvert de transactions apparemment licites, passées
entre E.________, F.________ et G.________. Dans la décision de clôture, le
Ministère public a tenu la condition de la double incrimination comme
réalisée au regard des art. 146 et 305bis CP, réprimant l’escroquerie et le
blanchiment d’argent.
L’escroquerie se définit, en droit suisse, comme le fait de celui qui, dans
le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement
illégitime, induit astucieusement en erreur une personne par des affirmations
fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais, ou exploite l’erreur
dans laquelle se trouve une personne et détermine de la sorte la victime à
des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers
(art. 146 ch. 1 CP). L’astuce au sens de cette disposition est réalisée non
seulement lorsque l’auteur utilise un édifice de mensonges, des manoeuvres
frauduleuses ou une mise en scène, mais aussi lorsqu’il fait de fausses
déclarations dont la vérification ne serait possible qu’au prix d’un effort
particulier ou ne pourrait raisonnablement
tre exigée, ou encore lorsque
l’auteur dissuade la victime de les contrôler, voire prévoit, d’après les
rapports de confiance particuliers qui le lient à la victime, que celle-ci ne
les vérifiera pas (ATF 128 IV 18 consid. 3a p. 20; 126 IV 165 consid. 2a p.
171/172; 122 IV 146 consid.3a p. 426/427, et les arrêts cités). Il y a
notamment manoeuvre frauduleuse lorsque l’auteur fait usage de titres
falsifiés ou obtenus sans droit ou de documents mensongers (ATF 128 IV 18
consid. 3a p. 20).
Le comportement reproché à A.________ est difficile à considérer d’un point
de vue pénal. On ignore les raisons pour lesquelles cette société aurait
refusé de s’acquitter des frais d’acheminement, dont on ne connaît d’ailleurs
pas la nature exacte. A supposer qu’il s’agisse de taxes d’utilisation du
réseau ferré public, il faudrait encore déterminer en quoi auraient consisté
les falsifications comptables occultant le défaut de paiement des montants en
question. Si l’on se réfère au rôle joué par X.________, évoqué aussi bien
par les recourants eux-mêmes que par l’Office fédéral et le Ministère public,
on peut supposer que les actes délictueux poursuivis en Russie auraient été
favorisés par X.________, dont on sous-entend qu’il a été rémunéré pour ses
services. Même en extrapolant de la sorte, le caractère astucieux du
comportement reproché à A.________ n’est pas discernable. Quant aux demandes
d’entraide présentées antérieurement par la Russie, elles ne se rapportent
pas aux faits à l’origine de la demande du 5 mars 2004, qui ne s’y réfère
pas. Ainsi, faute d’indications plus précises à cet égard, il est impossible
de savoir quelle est la nature des falsifications comptables évoquées dans la
demande, à quelles opérations elles se rapportent, ni en quoi elles sont
trompeuses. La demande ne décrit en rien le mode opératoire utilisé, ni de
manière générale, ni par des exemples. Cela empêche de vérifier, même de
manière minimale, que l’élément constitutif de l’astuce serait réalisé. Le
Ministère public ne pouvait, partant, considérer la condition de la double
incrimination comme satisfaite au regard de l’art. 146 CP.

5.3 Il reste à examiner ce qu’il en est du blanchiment d’argent. Selon la
jurisprudence, la demande se rapportant à de tels faits ne doit pas
nécessairement contenir la preuve de la commission de ce délit ou de
l’infraction principale; elle peut se borner à faire état de transactions
douteuses (ATF 129 II 97). A ce titre, la demande évoque la cession à
F.________ de la créance que A.________ pouvait faire valoir contre
E.________. Celle-ci aurait remis à F.________ des immeubles, pour une valeur
équivalent à peu près au quart des montants détournés, puis cédé le solde de
sa créance à G.________.
Entendus comme témoins le 22 octobre 2004, J.________ et  H.________ ont
confirmé que F.________ est une filiale de A.________ et que des créances ont
été cédées entre E.________, F.________ et G.________, société iranienne. La
demande ne contient cependant aucune indication permettant de tenir les
transactions opérées entre ces différentes sociétés pour douteuses, au sens
de la jurisprudence qui vient d’être citée. En particulier, les autorités
requérantes ne démontrent pas le lien qui existerait entre les détournements
commis au détriment du Ministère russe des transports et le montant transféré
à G.________. La demande ne précise pas davantage en quoi les protagonistes
de l’affaire auraient bénéficié, en fin de compte, d’une partie du produit de
l’opération. Sans doute la démarche des autorités requérantes a-t-elle
précisément pour but d’éclairer l’arrière-plan des relations existant entre
A.________, E.________, F.________ et G.________, ce qui pourrait justifier
l’octroi de l’entraide. Encore faudrait-il que des éléments soient présentés
pour fonder le soupçon du caractère illicite des mouvements de fonds décrits
dans la demande. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce. Faute d’indications
plus précises à cet égard, la condition de la double incrimination ne peut
pas être tenue pour remplie sous l’angle du blanchiment d’argent.

6.
Le recours doit être admis pour ce motif et la décision attaquée annulée. Il
est dès lors superflu d’examiner si le principe de la proportionnalité a été
respecté en l’occurrence. Il est statué sans frais (art. 156 OJ). Le
Ministère public versera aux recourants une indemnité à titre de dépens (art.
159 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable et la décision
attaquée annulée.

2.
Il est statué sans frais.

3.
Le Ministère public de la Confédération versera aux recourants une indemnité
de 3000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des recourants et au
Ministère public de la Confédération, ainsi qu’à l’Office fédéral de la
justice (B 140 974).

Lausanne, le 11 mai 2005

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier:

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